Disponible sur : <https://www.wdl.org/fr/item/2392/> (Consulté le 22-08-2017).
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Dans la première moitié du XXe siècle, l’enseignement colonial à l’Ecole libre des sciences politiques est fortement influencé par le libéralisme. Beaucoup d’enseignants y sont proches du patronat colonial et mettent l’accent sur la fonction économique de l’Empire, en lien avec une vision impérialiste de la colonisation partagée par nombre d’hommes politiques et d’intellectuels. En 1928, la création d’un certificat colonial par l’Ecole libre des sciences politiques participe de cette dynamique.
Dès la fin du XIXe siècle, hommes politiques et intellectuels décident de faire de la puissance coloniale un moyen de développer la grandeur de la France (voir Former une élite coloniale à l’aube du XXe siècle). Et ils accompagnent cette dimension politique d'une vision économique de la colonisation. Les colonies offrent « à nos sociétés des matières premières à bas prix » et constituent « de nouveaux marchés pour le débit des produits manufacturés d'Europe » (Paul Leroy-Beaulieu). Par ailleurs, ces territoires colonisés sont considérés comme des lieux privilégiés pour y effectuer des placements financiers peu risqués. Paul Leroy-Beaulieu souligne ainsi que «les capitalistes courent [...] de moindres risques dans les colonies qui sont des prolongements de la métropole ».
Les administrateurs coloniaux se placent désormais en experts de la colonisation et prennent en charge des instances amenées à former les futures élites coloniales et professionnels des colonies. L’enseignement instauré à Sciences Po dès les années 1880 reflète cette nouvelle réalité.
Paul Leroy-Beaulieu et Joseph Chailley-Bert, professeurs à l’Ecole libre des sciences politiques, font le lien entre milieux d’affaires et monde académique. Des figures comme Jules Cambon, gouverneur général de l’Algérie de 1891 à 1897 puis diplomate, Charles Jonnart, député de l’Union libérale et gouverneur de l’Algérie, Auguste Louis Albéric d’Arenberg, chef du « parti colonial », groupe de pression au Parlement soutenant l’effort de colonisation, ou Ernest Roume, gouverneur honoraire des colonies, se retrouvent au Conseil d’administration de l’Ecole libre des sciences politiques.
Malgré la création de l’Ecole coloniale en 1889 qui forme une grande part des fonctionnaires coloniaux, le diplôme de l’Ecole libre des sciences politiques permet lui aussi de se présenter à de nombreux concours ouvrant les portes de carrières diplomatiques et consulaires (Ministère des Colonies, Gouvernement de l’Algérie, Services civils de l’Indochine…). Les élèves diplômés bénéficient parfois d’une majoration de points à certains concours, comme celui débouchant sur l’emploi de rédacteur stagiaire du personnel administratif du Protectorat du Maroc. Pour certains postes dans l’administration du Gouvernement général de l’Algérie ou des Gouvernements généraux de l’Afrique occidentale et de l’Afrique équatoriale française, les diplômés sont dispensés de concours ou d’examen (voir : Ecole libre des sciences politiques. Organisation - Programme des cours. Paris : Ecole libre des sciences politiques, 1872-1946.).
Archives liées :
Ministère des Colonies. Décret portant règlement d'administration publique sur l'organisation de l'administration centrale du Ministère des colonies. 23 mai 1896. Paris : Imprimerie Nationale, 1898.
Sciences Po, Archives d’histoire contemporaine 1SP60 Dr 4
Ministère des Colonies. Gouvernement général de l'Afrique Occidentale Française : emplois intéressants aux colonies.1926
Sciences Po, Archives d’histoire contemporaine 1SP60 Dr 4
Fascicule présentant un Concours pour l'admission à l'emploi d'administrateur stagiaire aux colonies
Sciences Po, Archives d’histoire contemporaine 1SP60 Dr 4
Lettre du Ministre plénipotentiaire, délégué à la Résidence générale de la République française au Maroc, à Monsieur le Directeur de l'Ecole des sciences politiques [Eugène d’Eichtal] - 8 juin 1923
Sciences Po, Archives d’histoire contemporaine 1SP60 Dr 4
Lettre du Directeur de l'Office du protectorat de la République française au Maroc à E. d'Eichthal - 1er août 1921
Sciences Po, Archives d’histoire contemporaine 1SP60 Dr 5 sdr3
En 1928, un certificat d’études coloniales est créé à l'ELSP sous l’impulsion d’Albert Duchêne, directeur honoraire au Ministère des Colonies. Comme c’est le cas pour les autres enseignements consacrés aux territoires colonisés dans les différentes sections de l’Ecole libre des sciences politiques, les enseignants du certificat d’études coloniales sont principalement des praticiens, ayant eu une expérience directe des colonies, et non des universitaires. On y retrouve notamment Georges Hardy, l’influent directeur de l’Ecole coloniale. Il donne un cours sur le Maroc qui est particulièrement suivi, le Maroc étant l’une des premières destinations coloniales choisies par les diplômés, avec l’Indochine et l’Afrique Occidentale Française (AOF).
Archives liées :
Ecole nationale des sciences politiques. CA du 22 février 1928 : projet de certificat d’études coloniales
Sciences Po, Archives d’histoire contemporaine 1SP34 Dr 3
Commission de l'enseignement : séance du 15 février 1944
Sciences Po, Archives d’histoire contemporaine 1SP65 Dr 5 ch
Cours | Enseignant | Profession de l'enseignant | Effectifs des cours |
Le Maroc : étude générale et colonisation comparée | Georges hardy | Directeur de l'École coloniale | 300 |
L'Indochine française, l'Extrême-Orient et le Pacifique | Henri Gourdon | Inspecteur général honoraire de l'Instruction publique en Indochine | 140 |
Les problèmes économiques aux colonies | Henri Gourdon | Inspecteur général honoraire de l'Instruction publique en Indochine | 120 |
L'Islam | Jacques Ladreit de Lacharrière | Professeur à l'École coloniale et à l'Institut colonial de Bordeaux | 80 |
La politique internationale dans ses rapports avec la colonisation | Albert Duchêne | Directeur honoraire au ministère des Colonies | 50 |
Questions algériennes | Augustin Bernard | Professeur à la Faculté de lettres de Paris | 50 |
Questions tunisiennes | Paul Gauthier | Ministre plénipotentiaire | 50 |
Madagascar et les colonies de l'océan Indien ; les colonies américaines | Gustave Julien | Gouverneur honoraire des colonies | 50 |
Le Maroc : l'administration et les conditions économiques | Auguste Terrier | Conseiller du protectorat marocain | 50 |
L'Afrique noire | Henri Labouret | Administrateur en chef des colonies | 50 |
Source : Pierre Singaravélou. Professer l‘Empire. Les « sciences coloniales » en France sous la IIIe République. Paris : Publications de la Sorbonne, 2011 - Tableau réalisé par Sébastien Thobié
En 1932, dans la brochure reprenant organisation et programmes des cours, les enseignements consacrés aux territoires d’outre-mer et à la colonisation sont même regroupés sous un intitulé particulier “Cours coloniaux” et se démarquent ainsi de la rubrique “Cours ordinaires” à laquelle ils appartenaient jusque-là.
Le certificat d’études coloniales cesse d’être délivré en 1941-1942 en raison du faible pourcentage d'élèves diplômés ayant obtenu ce certificat (moyenne annuelle : 3 certificats pour 300 diplômes).
Références bibliographiques