Depuis au moins trois ans, le dossier du glyphosate cristallise les espoirs, les attentes, les interrogations et les inquiétudes qui caractérisent la vie politique en Union européenne.
Interrogations quant au niveau de risque tolérable dans nos sociétés : on a vu se confronter les expertises de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), jugeant le glyphosate dangereux mais trop peu risqué pour être interdit, et celles du Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), classant cette substance comme « cancérigène probable » pour l’Homme.
Inquiétude quant à l’influence prise par les lobbys agrochimiques dans les institutions européennes : en 2017, l’affaire des « Monsanto Papers » a porté un coup dur à la crédibilité d’une Union européenne déjà qualifiée par certains de « lobbycratie », et Bruxelles de « capitale mondiale des lobbys ».
Espoir d’une solution judiciaire : les deux condamnations successives du groupe Bayer/Monsanto aux États-Unis, les décisions récentes de la cour d’appel puis du tribunal administratif de Lyon marquent la judiciarisation croissante de cet enjeu de santé publique.
Attente enfin d’une réponse des institutions de l’Union aux craintes formulées par un grand nombre de ses citoyens. Réponse également à la question posée en juillet 2017 par les quelques 1 300 000 pétitionnaires de l’initiative citoyenne « non au glyphosate ».
Dernier né des mécanismes de démocratie participative de l’Union européenne, l’Initiative citoyenne européenne (ICE) est un procédé non contraignant de proposition législative directe des citoyens européens à destination de la Commission européenne.
Pour aboutir, une telle initiative doit recueillir un million de signatures, dont un minimum de signataires provenant de sept États membres différents (les seuils planchers sont de l’ordre d’un millième de la population environ : ainsi il est de 55 550 signataires pour la France). Les organisateurs qui doivent, eux aussi, provenir d’un minimum de sept États différents disposent d’un an à compter de l’enregistrement de l’initiative afin d’obtenir le nombre de soutiens requis. Une fois ce volume atteint, leurs propositions sont examinées par la Commission européenne dans un délai de trois mois, ce qui lui permet de statuer sur l’opportunité de les transmettre au Parlement et au Conseil afin d’être soumises au vote.
Depuis 2012, sur 68 tentatives, seules quatre initiatives sont arrivées au bout de ce parcours du combattant et ont réussi à se glisser à l’ordre du jour de la Commission européenne. Deux propositions (« Stop vivisection » et « Un de nous ») concernaient des domaines de compétences extérieurs à ceux des institutions européennes et ont été rejetées par la Commission. L’initiative « Right2Water », particulièrement ambitieuse, conduit à la publication d’une déclaration de principe jugée trop floue pour être applicable. Reste l’initiative « Non au Glyphosate », dernière en date.
Le 12 décembre 2017, la Commission européenne a adressé sa réponse. Semblant prendre la mesure des inquiétudes des citoyens, elle promet notamment d’améliorer le niveau de transparence des évaluations menées par l’EFSA.
En apparence, cette initiative semble donc démontrer qu’une démocratie participative effective en Union européenne est possible. Pourtant, cela n’est pas l’avis de la majorité de ses signataires et organisatrices. « En ignorant les demandes de l’initiative citoyenne, les régulateurs européens semblent avoir oublié de qui ils tenaient véritablement leur légitimité : servir les citoyens et non les firmes », a déclaré Angeliki Lysimachou de l’association Pesticide Action Network Europe, pour n’en citer qu’une.
Pourtant, cette initiative n’a-t-elle pas été un succès ? Comment comprendre que les déceptions vis-à-vis du mécanisme d’ICE s’accumulent, et ce, en dépit de réussites apparentes ?