Sans comparaison aucune avec le « mai français », l’année 68 en Angleterre est, elle aussi, placée sous le signe des « troubles » étudiants : elle s’ouvre sur les occupations des universités de Birmingham et de Leicester en janvier et février et culmine le 25 octobre 1968, lors de la manifestation nationale de Grosvernor Square qui rassemble 100 000 participants contre la guerre au Vietnam. L’euphémisme du vocabulaire employé pour décrire les mobilisations, la chronologie perlée et la dimension locale et atténuée des événements questionnent la version « anglaise » d’un mai « international ».

 

Par Marie Scot

Un « mai anglais » aux multiples temporalités

Dès 1966, la London School of Economics, célèbre école de sciences économiques, politiques et sociales de l’Université de Londres et épicentre des contestations étudiantes dans la capitale, entre en ébullition1 : les étudiants protestent à la fois contre les modalités de la nomination de leur nouveau directeur – par décision souveraine du Conseil d’administration, où ne siègent ni enseignants ni étudiants – et contre le choix controversé de Walter Adams, ancien Chancelier de l’université de Rhodésie. En mars 1967, le renvoi de deux délégués étudiants, qui avaient exprimé leurs désaccords dans les médias, entraîne l’occupation de l’École durant neuf jours. En octobre 1968, la direction ferme la LSE afin d’éviter qu’elle ne devienne la base arrière de la manifestation nationale convoquée à Grosvenor Square. En janvier 1969, l’installation de grilles barrant l’accès aux étages de la Direction et leur destruction par des étudiants et des enseignants provoquent leur renvoi et une nouvelle occupation et fermeture de quatre semaines. L’agitation perlée (sit-in à répétition) se poursuit tout au long des années 1970, motivée par la lutte contre l’augmentation des frais d’inscription et par la dénonciation de la politique d’investissements financiers de l’École.

Paradoxalement, le mois de mai 1968 a été étonnement calme à la London School. Mais il a été particulièrement agité dans les universités de Leeds et d’Essex, occupées à la suite d’incidents sanctionnés par le renvoi d’étudiants, ou encore à Warwick, Sturling, Hull ou Bristol et jusque dans les vénérables universités de Cambridge et d’Oxford. À Londres, le Hornsey College of Art2[2] est occupé six semaines par des étudiants rejetant la tutelle du conseil municipal et contestant le contenu des formations artistiques.

Le « mai anglais » s’inscrit de fait dans plusieurs temporalités. Au temps court du mois de mai débordant sur juin, au temps moyen de l’année 1968, se superpose le temps long de la révolution culturelle des Sixties, qui s’ouvre à l’orée des années 1960 et se poursuit dans les années 1970. A. H. Halsey, sociologue de l’enseignement supérieur, estime que « ce que l’on nomme habituellement les événements de Mai 1968 débutent en 1964 à Berkeley et se poursuivent spasmodiquement durant les années 1970 » et préfère évoquer la « révolte des années 1968-1975 »3. L’historien Arthur Marwick4, l’un des premiers à avoir soutenu la thèse d’une « révolution des Sixties », livre également une lecture culturelle de 1968 et lie les événements aux mouvements alternatifs des années 1958-1974. De récents travaux, en sociologie et en histoire, témoignent de l’intérêt de replacer l’événement dans la longue durée (des années 1920 aux années 2000) afin de mieux saisir les mutations de la culture jeune, du mouvement étudiant et de quantifier et qualifier précisément et comparativement l’intensité de la séquence 1967-695.

Le « Mai 1968 » anglais s’inscrit donc dans un mouvement rampant de contestation, scandé par de brusques éclats de protestation, alternant avec des calmes précaires.

  • 1. Sur la LSE : la direction de l’École a proposé sa version des faits : Sidney Caine, British Universities –Purposes and Prospects, London, Bodley Head, 1969 ; Harry Kidd, The trouble at L.S.E., 1966-67, London, Oxford University Press, 1969. Les principaux leaders syndicaux ont relaté les événements : Colin Crouch, The Student Revolt, London, Bodley Head, 1969 ; Paul Hoch, LSE The Natives are Restless. A Report on Student Power in Action, Sheed and Ward, 1969. Alexander Cockburn, Robin Blackburn (eds.), Student Power: Problems, Diagnosis, Action, Harmondsworth, Penguin, 1969. Une enquête approfondie menée par le département de sociologie aux lendemains des troubles identifie les revendications des étudiants : Tessa Blackstone, Kathleen Gales, Roger Hardley, Wyn Lewis, Students in Conflict. LSE in 1967, LSE Research Monograph, 1970.
  • 2. Lisa Tickner, Hornsey 1968, the Art School Revolution, Frances Lincoln, 2008. D’autres écoles d’art londoniennes, comme le Guildford College of Art, subissent le même sort.
  • 3. Albert H. Halsey, A History of Sociology in Britain, Science Literature and Society, Oxford, OUP, 2004, p. 113.
  • 4. Arthur Marwick, The Sixties: Cultural Revolution in Britain, France, Italy and the United States 1958-1974, Oxford, OUP, 1998.
  • 5. David Fowler, Youth Culture in Modern Britain, c. 1920–1970: From Ivory Tower to Global Movement. Basingstoke: Macmillan, 2008. Caroline Hoefferle, British Student Activism in the Long Sixties. London: Routledge, 2012. Sarah Webster, Protest Activity in the British Student Movement, 1945-2011. PhD thesis, Sociology, University of Manchester, 2016, consultée en avril 2018, https://www.escholar.manchester.ac.uk/uk-ac-man-scw:270506

Clés d’interprétation d’un mai anglais de faible intensité

Les termes généralement utilisés pour décrire les événements anglais (troubles, unrest, disturbances, disruption) pointent la spécificité de cette version éclatée et modérée d’un phénomène mondial6.

La spécificité anglaise s’expliquerait par la tardive et lente démocratisation du système d’enseignement supérieur. Préconisée par le rapport Robbins publié en 1963, cette ouverture ne s’accompagne pas d’une spectaculaire croissance numérique dans un Royaume-Uni malthusien où les étudiants représentent à peine 11 % d’une classe d’âge. À titre d’exemple, la London School porte ses effectifs de 3 000 en 1960 à 3 800 en 1966, provoquant certes une surpopulation des locaux et une détérioration du taux d’encadrement, mais sans commune mesure avec la situation des universités françaises. L’élitisme du système d’enseignement supérieur fragmenté et hiérarchisé serait également à l’origine de l’absence de mouvement national : ainsi la LSE, université urbaine comptant 22 % d’étudiants issus des classes moyennes et populaires, et les Redbricks Universities des villes industrielles auraient été plus touchées que les vénérables Ancient Universities d’Oxford et de Cambridge. La thèse de la corrélation entre origine sociale des étudiants et engagement politique est néanmoins battue en brèche par les études sociologiques et par un contre-exemple : les Polytechnics, universités publiques et professionnelles instituées en 1965 et accueillant des étudiants d’origine populaire, n’ont pas participé aux mobilisations.

Faut-il interpréter la modération anglaise comme la conséquence d’un mouvement étudiant très pondéré7, dominé par le National Union of Students (NUS)8 fondé en 1922, syndicat quasi officiel, proche des travaillistes au pouvoir et peu représentatif ? De facto, la direction du NUS s’est désolidarisée des troubles étudiants de 1967-69 et a condamné les grandes manifestations, pour s’en tenir à des revendications catégorielles au motif qu’un « étudiant est un étudiant ». Cette position légaliste a entraîné la contestation de son monopole syndical par deux nouveaux venus : la Radical Student Alliance (RSA-1966), réunissant libéraux, socialistes et communistes, qui soutient les révoltes locales et milite pour la réforme du NUS, sans afficher pour autant de revendications politiques, et la Revolutionary Socialist Student Federation (RSSF), fondée en juin 1968 à la LSE en présence de Daniel Cohn-Bendit et d’Alain Geismar, qui assume un syndicalisme politique, mais reste minoritaire et déchirée par des scissions. L’épisode 1967-69 provoque ainsi d’importantes recompositions du champ du syndicalisme étudiant9, plus qu’il n’en est la conséquence.

La présence des travaillistes au pouvoir de 1964 à 1970, l’absence de convergence étudiants-travailleurs, la faiblesse des oppositions de gauche, notamment de la New Left10 qui fournit pourtant un cadre théorique et intellectuel, des leaders (Tariq Ali, Robin Blackburn, Alexander Cockburn) et des relais de diffusion (le journal contestataire The Black Dwarf) au mouvement étudiant, expliqueraient sa faible politisation – les sondages contemporains des événements montrent que les étudiants soutiennent massivement les partis parlementaires traditionnels et assez peu l’extrême gauche11.

Surtout, la révolution culturelle des Sixties12 a permis l’émergence d’une jeunesse contestataire, en même temps qu’elle a désamorcé nombre de ses revendications. Les grandes réformes des années 1960 (abolition de la peine de mort en 1964-69, dépénalisation de l’homosexualité en 1967, légalisation de la contraception en 1961 et de l’avortement en 1967, abaissement de la majorité légale de 21 à 18 ans et abolition de la censure en 1968) ont accompagné l’évolution permissive de la société et la vague de libération des mœurs. La contre-culture jeune, pop puis hippie – libertaire, anticonformiste et contestataire – a profondément influencée la jeunesse, mais plus dans le sens d’une quête d’épanouissement personnel que de l’engagement politique – comme en témoignent les paroles ambiguës des chansons des Beatles (Revolution) ou des Rolling Stones (Satisfaction et Street Fighting Man).

Aussi les revendications des étudiants anglais sont-elles avant tout de nature universitaire, contestant un exercice archaïque de l’autorité et réclamant le Student Power, la participation étudiante à la gouvernance universitaire.

Nombre de troubles ont ainsi été provoqués par le rejet de règlements disciplinaires désuets (couvre-feux et non-mixité dans les résidences universitaires) et par la sévérité des sanctions imposées par les autorités (les polices de campus sont particulièrement détestées). Les contestations prennent généralement de l’ampleur lorsque les autorités universitaires répriment de manière disproportionnée les troubles et s’attaquent à la liberté d’expression et aux droits syndicaux des étudiants – à l’instar de la LSE qui renvoie deux délégués s’étant exprimés dans le Times, et de la Hornsey School of Arts qui refuse d’accorder une année sabbatique au président du syndicat. De la défense des droits syndicaux à la participation aux instances de direction, il n’y a qu’un pas que les étudiants franchissent aisément mais avec modération13. Quant à la critique de la pédagogie et du contenu des enseignements – elle n’est pas absente des revendications, comme en témoigne un sondage réalisé auprès des étudiants de premier cycle de LSE en avril 1967 (le Roberts Survey) – mais elle n’a été radicale que dans les écoles d’art : « ceci est une révolte contre l’éducation artistique, pas contre les Yanks au Vietnam14. »

Les conclusions de l’enquête sociologique menée à la LSE sur les troubles en 1970 peuvent ainsi être généralisées : « il s’agit là non pas d’une minorité extrémiste mais d’une majorité d’étudiants15 », qui souhaitent en finir avec les sanctions disciplinaires, s’impliquer dans la gestion des universités, voire infléchir la pédagogie et l’enseignement universitaire. Le « Mai 1968 » anglais est bien un Mai étudiant, plus qu’un Mai politique ou social.

  • 6. Thomas Nicholas Thomas, The British student movement 1965-1972. PhD thesis, Histoire, University of Warwick, 1996, consultée en avril 2018, http://wrap.warwick.ac.uk/…/1/WRAP_THESIS_Thomas_1996.pdf Très complète, la thèse de T.N. Thomas propose une description exhaustive des mobilisations étudiantes dans la seconde moitié des années soixante et passe en revue les différentes interprétations données, évoquées ci-dessous.
  • 7. Eric Ashby, Mary Anderson, The Rise of the Student Estate, London, Macmillan, 1969. Digby Jacks, Student Politics and Higher Education, London, Lawrence and Wishart, 1975.
  • 8. Mike Day, National Union of Students, 1922-2012. Londres, Regal Press, 2012.
  • 9. Caroline Hoefferle, British Student Activism in the Long Sixties, op. cit. Esmée Sinéad Hanna; Student Power! The Radical Days of the English Universities. Newcastle: Cambridge Scholars Publishing, 2013. Nick Crossley, Joseph Ibrahim, “Critical Mass, Social Networks and Collective Action: Exploring Student Political Worlds”, Sociology, 46-4, 2012. p. 596- 616.
  • 10. Lin Chun, The British New Left, Edinburg University Press, 1993.
  • 11. En 1969, 28 % des étudiants de Liverpool se disent conservateurs, 27,5 % travaillistes et 1 % New Left ; à Leeds, 35 % se déclarent conservateurs, 22,5 % travaillistes, 16 % Liberals et 3,5 % New Left ; à Manchester, 6 % revendiquent leur appartenance à la New Left ; à la LSE, l’université la plus radicale, 18 % se disent conservateurs, 16 % Liberals, 45 % travaillistes et 9 % NL. [Digby Jacks, op. cit.]. De nombreux sondages d’opinion réalisés par Gallup et les syndicats étudiants locaux en 1967-69 confirment ces résultats.
  • 12. Bernard Levin, The Pendulum Years, Britain in the Sixties, London, Cape, 1970. John Gummer, The Permissive Society, London, Cassel, 1971. Ronald Inglehart, The Silent Revolution: Changing Values and Changing Political Styles Among Western Publics, Princeton, Princeton University Press, 1977. Tim Newburn, Permission and Regulation, Law and Morals in Post War Britain, London, Routledge, 1992. Bertrand Lemonnier, L’Angleterre des Beatles, Paris, Kimé, 1995. David Fowler, Youth Culture in Modern Britain, op. cit.
  • 13. L’enquête Students in Conflict menée à la LSE montre que 62 % des étudiants sont restés à l’écart des événements d’octobre-mars 1966-1967, contre 36 % seulement qui ont participé à un sit-in. Si 70 % se disent favorables à des actions, 53 % condamnent toute perturbation de la bonne marche de l’École et 22 % seulement l’acceptent. Concernant les revendications : 70 % des étudiants souhaitent être consultés sur la gestion de la bibliothèque, 54 % sur les questions de discipline, 43 % sur l’organisation des enseignements, mais seulement 34 % sur le contenu des cours et 28 % sur les modalités d’évaluation et de notation. 13 % souhaitent participer à la nomination du directeur et 9 % à celle des enseignants.
  • 14. Lisa Tickner, Hornsey 1968, op. cit.
  • 15. Students in Conflict, op. cit.

Jeux d’échelles et de circulations

Comme aux États-Unis ou en Europe continentale, les paisibles campus ruraux des Ancient Universities comme les redbricks universities des centres villes résonnent du bruit et de la fureur du monde : guerre et paix, prolifération des armes chimiques et nucléaires, racisme et apartheid sont au cœur des luttes et des préoccupations.

À la London School of Economics, institution fortement internationalisé (32 % d’étudiants étrangers en 1967-68, dont 400 étudiants américains sur un total de 3 850), les incidents présentent incontestablement un caractère international – du rejet d’un directeur accusé de compromission avec le régime ségrégationniste de Rhodésie au soutien à la manifestation de Grosvernor Square contre la guerre du Vietnam, de la lutte contre l’augmentation des frais d’inscription touchant les étudiants étrangers à l’appel au boycott des investissements financiers dans certains pays (Afrique du Sud, Rhodésie) et certaines branches industrielles (complexe militaro-industriel). Les autorités politiques et universitaires n’ont d’ailleurs eu de cesse d’accuser les meneurs étrangers d’être à l’origine des troubles anglais, à l’instar du secrétaire d’État à la Science et à l’Éducation Edward Short qui affirme : « la LSE compte environ 3 000 étudiants. Les troubles qui l’ont agitée impliquent environ 300 d’entre eux. Les agitateurs sont une infime minorité, parmi eux quatre sont américains. Ces Gentlemen ne sont pas là pour étudier évidemment, mais pour détruire et miner les institutions britanniques. Ce sont les voyous du monde universitaire16. »

La LSE n’est pas la seule université à vivre au rythme des événements internationaux. Dès 1965, des sit-in, teach-in et autres manifestations se déroulent à Oxford et Manchester en faveur de la paix au Vietnam. En février 1968, 2 000 étudiants de Sheffield brûlent le drapeau américain. À Essex, en mai, c’est la venue d’un représentant de l’Institut chimique de Porton Down soupçonné de fabriquer des armes de guerre utilisées au Vietnam qui provoque les troubles. À Leeds, c’est la visite d’un député conservateur, soutien du régime raciste de Rhodésie et partisan de la guerre du Vietnam, qui dégénère. À Cambridge, la visite du ministre de la Défense, Dennis Healey, est chahutée en mars, et à Oxford, les membres de la Vietnam Solidarity Campaign sont à la tête de la contestation étudiante. Ces mouvements étudiants convergent lors de grandes manifestations londoniennes organisées contre la guerre du Vietnam en mars et en octobre 1967, en mars et octobre 1968.

Dès la fin des années 1950, les manifestations et les rassemblements contre les bases américaines de l’OTAN, contre les bases militaires et navales anglaises, ainsi que contre les centrales nucléaires à usage civil, menées par la Campaign for Nuclear Disarmament (CND-1958)17, ont contribué à politiser une jeunesse qui n’a pas connu les guerres coloniales et qui n’est plus soumise au service militaire depuis 1960. La protestation contre la guerre du Vietnam18 a donné un second souffle au mouvement pacifiste et antimilitariste, faisant écho à la lutte anti-raciste19 et à la dénonciation des régimes d’apartheid sud-africain et rhodésien. De nombreux sondages témoignent de la participation importante des étudiants aux multiples manifestations aux échos internationaux. Plus encore, le mai irlandais20 allie contestations universitaires (à la Queen’s University de Belfast) et mobilisations sociales et syndicales, luttes politiques et luttes civiles anti-discrimination, en étroite relation avec les mouvements pour les droits civiques afro-américains et les combats anti-impérialistes du Tiers-Monde : le slogan irlandais « un monde, une lutte » prend alors tout son sens.

Mais ces phénomènes circulatoires – circulation de valeurs, de références, de causes, de répertoires d’action, de savoir-faire et d’expériences militantes – ne sont pas que transnationaux dans leurs formes et géopolitiques dans leurs motifs. L’étude des mouvements sociaux21 invite à replacer l’activisme étudiant dans un contexte à la fois plus large et plus individuel : la socialisation politique des jeunes étudiants est en effet marquée par des engagements divers (politiques, associatifs, caritatifs, lobbying) qui s’influencent, se renforcent et s’hybrident : les mobilisations pacifistes et internationalistes – bien plus que la culture ouvrière – ont ainsi nourri l’activisme étudiant : l’activisme étudiant lui-même a dialogué et s’est converti en d’autres formes de contestation : l’anti-racisme, les mouvements de libération des femmes et des homosexuels, la lutte contre les discriminations, la défense de l’environnement.

  • 16. Discours du 29 janvier 1969 devant la Chambre des Communes. Sur les 35 étudiants arrêtés lors de l’affaire des grilles en janvier 1969, seuls trois étaient américains. Si certains leaders du mouvement étudiant à la LSE - David Bloom, président de la Graduate Students Association, Paul Hoch et Victor Schoenbach – sont effectivement américains, leur nombre et implication sont surévalués par Short.
  • 17. Richard Taylor, Against the Bomb: the British Peace Movement 1958-1965, Oxford-New York, Oxford University Press, 1988.
  • 18. Sylvia A. Ellis, ‘A Demonstration of British Good Sense?' British Student Protest during the Vietnam War”, in Gerard De Groot, Student Protest: The Sixties and After, Longman, 1998, p. 54-69. Id, “Promoting Solidarity at Home and Abroad: the Goals and Tactics of the anti-Vietnam War Movement in Britain”, European Review of History, 21-4, 2014, p. 557-76.
  • 19. Jodi Burkett, Constructing Post-Imperial Britain: Britishness, ‘Race’ and the Radical Left in the 1960s. Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2013.
  • 20. Simon Prince, “The Global Revolt of 1968 and Northern Ireland”, The Historical Journal, 49-3, 2006, p. 851-875.
  • 21. Voir notamment la thèse de Sarah Webster, Protest Activity in the British Student Movement, op. cit.

À la redécouverte du mai anglais

Si le mai 68 anglais a longtemps été sous-étudié et peu commémoré, objet de fantasmes et de clichés, considéré avec un soupçon de mépris comme une exception, un contre-modèle, une variante atténuée de la « révolution mondiale », une nouvelle génération de sociologues, de politistes et d’historiens a réinvesti l’étude de l’événement pour en proposer de nouvelles interprétations. La mise au jour de sources (orales et écrites) a incité à prendre au sérieux la radicalité des discours et la portée de la critique politique et sociale formulée par les étudiants anglais. La mise en longue durée a permis de décomposer la chronologie des événements et de mieux en mesurer l’intensité, tout en l’inscrivant dans des dynamiques institutionnelles (recompositions syndicales du mouvement étudiant et reconfigurations politiques de la gauche anglaise) et culturelles (libéralisation des Sixties) englobantes. La réinscription du mouvement étudiant dans un contexte fait de circulations – entre mouvements politiques et sociaux, et luttes transnationales22 – lui a donné une nouvelle profondeur.

  • 22. Gerd-Rainer Horn, The Spirit of 68: Rebellion in Western Europe and North America, 1956-1976. Oxford, Oxford University Press, 2007.

L'auteure

Marie Scot, PRAG à l’IEP de Paris et chercheuse au Centre d’histoire de Sciences Po, est l’auteur de La London School of Economics. Internationalisation universitaire et circulation des savoirs en sciences sociales 1895-2000 (Paris, PUF, 2011) et La London School of Economics et le Welfare State, science et politique en Grande-Bretagne 1940-1979 (Paris, L’Harmattan, 2005).